L’internat, un gage de réussite ?

Alors qu’elle est en troisième, ma fille perd pied : ses résultats scolaires ne cessent de baisser. Au collège, elle fait partie d’une bande qui a une mauvaise influence sur elle. A la maison, elle passe son temps scotchée à son smartphone plutôt que de faire ses devoirs. Entre nous le conflit est permanent. Je me demande si faire son lycée en internat ne pourrait pas l’aider à sortir de ces mauvaises fréquentations et à se consacrer au travail scolaire ?

Sandrine

Peut-être est-ce dû au succès phénoménal de Harry Potter auprès de la génération Y, mais l’image que les élèves se font de l’internat semble s’être dépoussiérée. Dans Vive la pension (éd. Lattès), Maryline Baumard constate que la pension n’est plus systématiquement vécue comme une sanction, mais plutôt comme une aventure qui permet d’acquérir de l’autonomie par rapport à la famille et d’apprendre la vie en communauté avec des jeunes de son âge. Une sorte de Facebook en live où les ados sont H 24 avec leurs potes ! Désormais ce se seraient donc les élèves qui demanderaient à leurs parents de les mettre en pension. Alors, pour les parents prêts à sauter le pas de la séparation, c’est peut-être le moment d’en profiter pour permettre à leur enfant en difficulté scolaire de se tenir à l’écart des sollicitations en tous genres et de se concentrer sur son travail.

Zéro tentation extra-scolaire

En France, près de 244 000 élèves sont internes. Parmi eux, 6,5 % des lycéens du public et 8,4 % des lycéens du privé. Certains élèves n’ont pas le choix, leur domicile est trop loin de leur établissement scolaire. Mais les motivations peuvent être tout autres : vie professionnelle des parents très prenante ou en horaires décalés ; échec scolaire ; problème de discipline ; mauvaises fréquentations ; difficultés relationnelles avec la famille… Les enfants sont pris en charge toute la journée par l’équipe enseignante puis des éducateurs prennent le relais après les cours. Un encadrement constant qui vise la réussite scolaire et l’épanouissement de l’élève.

Guillaume, aujourd’hui en master 1 à la faculté de Paris Est, se souvient de ses années de lycée dans un internat privé catholique des Côtes-d’Armor : « Avec mes parents, on a décidé d’un commun accord que je partirai pour l’internat en première. Je m’étais maintenu à niveau durant les années de collège mais ma classe de seconde a été une catastrophe. Je n’arrivais pas à gérer la charge de travail qu’on me demandait désormais à la maison. A l’internat, pendant les heures d’études obligatoires et surveillées, j’ai appris à m’organiser dans mon travail personnel, à séparer les moments de boulot et les moments de détente. Sans doute parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire que bosser. Plus d’internet, plus de télé, plus de jeux vidéo : zéro tentation… Au final, j’ai eu mon bac avec mention. »

Les conditions d’une bonne adaptation

L’internat a porté ses fruits pour Guillaume, mais cela n’a pas été le cas pour nombre de ses condisciples. La raison selon lui ? « Moi j’étais d’accord pour aller à l’internat. Avec mes parents on en a longuement discuté. On en a visité plusieurs. C’est moi qui l’ai choisi en définitive. Alors que nombre de mes potes étaient ici contre leur gré. Certains vivaient l’internat comme une punition, une prison, où les avait relégués leurs parents. » Dans ces conditions, la réussite ne peut être au rendez-vous : l’enfant se sent abandonné et vit l’encadrement que propose l’internat non pas comme une opportunité mais comme un étouffoir. La psychologue et psychanalyste Monique de Kermadec explique comment éviter ce sentiment d’abandon et créer les conditions d’une bonne adaptation : « En premier lieu, il s’agit de faire attention à ne jamais brandir la possibilité de l’internat comme une sanction. Ensuite il convient d’associer son enfant à la prise de décision : lui en parler bien en amont, et non pas juste avant les vacances scolaires ; visiter avec lui plusieurs établissements ; écouter ses avis, ses ressentis ; privilégier une proximité géographique qui permette un retour à la maison tous les week-ends. Et une fois qu’il sera en internat, invitez-le à parler de son expérience, valorisez les rencontres qu’il aura faites dans l’établissement, encouragez-le dans sa prise d’autonomie. Veillez à maintenir une continuité entre l’univers familial et le monde de la pension, en rencontrant ses amis, ses professeurs. »

L’école de la vie… en communauté

Bien sûr, de nombreux parents risquent d’être angoissés à l’idée de cette séparation : « Essayez de ne pas lui communiquer votre angoisse, vos doutes : s’il sent que vous ne le sentez pas prêt, comment arrivera-t-il à affronter la séparation d’avec ses repères familiaux ? », conseille la psychologue. Aurore entame sa terminale dans un internat de Besançon. « J’ai été interne à partir de mon année de seconde. De toute façon, je n’avais pas le choix, le bac que je voulais faire était à trois heures de route de chez moi. Au départ, j’avais une grande appréhension, mes parents aussi. Fille unique, timide, discrète, je suis très fusionnelle avec ma mère. L’adaptation n’a pas été facile mais, au bout du compte, j’ai beaucoup progressé sur le plan humain. Vivre en colocation, rencontrer des personnes d’univers différent du sien, les côtoyer 24 heures sur 24, apprendre à affirmer ses choix, apprendre à tolérer ceux des autres… : la pension est une école de la vie. J’ai peut-être eu de la chance, mais dans mon établissement règne une grande solidarité entre les élèves. On s’entraide les uns les autres, scolairement et humainement. Certains ont des histoires plus dures que d’autres, certains vivent l’internat plus difficilement : on se soutient. » Alors l’internat, une solution à tous les problèmes de l’élève ? Monique de Kermadec tempère : « Attention mettre son enfant en internat ne règle pas les problèmes qu’il rencontre dans la sphère familiale. Au mieux il les met en latence. Lorsque les parents échouent à instaurer une bonne communication avec leur enfant et à lui faire respecter des règles de vie, ils peuvent avoir la tentation de passer le relais à un établissement scolaire prônant une discipline de fer. Mais, sur le long terme, pour dépasser les blocages et les souffrances qui en résultent au sein de la famille, il est plus judicieux de consulter un thérapeute. »

Combien ça coûte ?

De 1 500 à 2 000 euros l’année dans les établissements publics en France.

De 1 500 à 15 000 euros l’année dans les établissements privés en France.

Les établissements privés sous contrat sont moins chers que les établissements hors contrat. La proximité de Paris se paie plus cher.

Le fonds social étudiant ou les Conseils généraux attribuent parfois des aides selon des critères sociaux.

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